Après deux décennies, les flux d’investissements directs étrangers (IDE) et les fonds générés par les activités des firmes multinationales (FMN) originaires du « Nord » comme du « Sud », ont dépassé les autres sources de financements extérieurs des pays en voie de développement [1].
Ces dernières années, les IDE des multinationales du Sud offrent à leur tour de nouvelles perspectives et opportunités pour les économies émergentes. En effet, elles engendrent potentiellement des bénéfices à la fois pour le pays d’accueil mais aussi pour le pays d’origine. Parmi ces bénéfices, on trouve « l’augmentation de la compétitivité, un accès aux financements étrangers et au transfert de technologies, l’intégration dans la production mondiale et les réseaux de distribution, un accès sûr à des matières premières et des retombées économiques pour les firmes locales ». Aussi, il est à noter que les multinationales du Sud ont la particularité de s’internationaliser vers des pays plus pauvres et d’investir dans des pays considérés « peu intéressants » par les firmes du Nord. [2]
Cependant, au sein des pays qui attirent les IDE, les forces de transformations politiques et économiques créent une grande instabilité qui entraîne souvent des conflits violents. Le Rapport sur l’investissement dans le monde de la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement (CNUCED) indiquait qu’en 2000, 72 pays comportaient un risque pour les affaires internationales. [3] Dans cette conjoncture, le potentiel des conflits devient un enjeu incontournable pour les investisseurs qui transfèrent leurs activités dans ces zones. [4]
Pour promouvoir leurs produits et services, les firmes ont tout intérêt à ce que l’environnement dans lequel elles opèrent soit stable et en paix. Un certain degré de stabilité est indispensable pour favoriser et assurer l’entrée des investissements. En règle générale, les facteurs déterminants pour l’établissement des firmes à l’étranger sont principalement « la stabilité du gouvernement du pays hôte, l’absence de conflit interne et de tensions ethniques, les droits démocratiques et l’insertion de la loi et de l’ordre. » [4]
Concernant le secteur d’activité privilégié par les IDE, on constate que, dans plusieurs pays parmi les moins avancés, l’investissement direct est généralement concentré dans un petit nombre de secteurs, plus particulièrement dans les mines et l’extraction de minerais. [1] Ainsi, en 2003, les plus gros bénéficiaires des apports bruts d’IDE étaient la Guinée équatoriale, l’Angola, le Soudan, le Nigeria et le Tchad, où la majorité des investissements sont liés à la prospection et l’extraction pétrolières. [1] Or, la gestion de terres et de ressources naturelles (GRN) est très souvent la cause des conflits intra et inter-étatiques dans ces pays. [5]
En termes pratiques, si les firmes multinationales décident d’investir dans certaines zones à risques, elles se doivent de trouver des moyens d’opérer en accord avec les normes internationales et d’évaluer si leurs opérations contribuent effectivement à ne pas accroître l’inégalité ou l’instabilité déjà existante. Au-delà de la coordination de leurs activités, les entreprises étrangères peuvent pro-activement créer de la valeur positive au sein du pays-hôte en développant un meilleur impact social, en appuyant la constitution ou le renforcement d’institutions civiques ou en soutenant des actions collectives locales. [6] Plus généralement, l’action collective des firmes peut être particulièrement adaptée pour aborder les questions politiquement sensibles comme la corruption et les violations des droits humains. Les firmes peuvent ainsi jouer un rôle dans les processus de réconciliation et de construction de la paix.
De nouveaux types de partenariats intersectoriels entre le monde des affaires, le gouvernement et la société civile peuvent également être des mécanismes précieux pour aborder les questions complexes associées à la prévention des conflits. A ce titre, The National Business Initiative en Afrique du Sud [7] ou encore The Philippines Business for Social Progress [8] sont des exemples de coalitions d’ »affaires dans la société » qui s’engagent dans des activités en faveur de la paix et qui permettent aux multinationales d’apporter une plus-value véritablement bénéfique au niveau local.
Par Nathalie Denéchère
Bibliographie :
[1] OCDE, Revue de l’OCDE sur le développement, Annexe A : Les tendances de l’aide et de l’investissement privé au service du développement, 2005/2 (no 6), Disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.cairn.info/revue-de-l-ocde-sur-le-developpement-2005-2-page-43.htm
[2] Introduction au développement international, approches, acteurs et enjeux, Sous la direction de Pierre Beaudet, Jessica Schafer et Paul Haslam, Chapitre 10 : Les firmes multinationales et le développement, Paul A. Haslam, p.